Coco est bien assis

« Ne désespérez pas, vous qui portez les ombres que nous sommes à bout de bras. Votre travail est comme un long et inlassable appel qui nous réchauffe et dont l’écho un jour vous reviendra en plein cœur, et vous apportera la paix. On ne fait rien d’inutile quand on fait le bien. Savez-vous qu’un jour votre propre vie vous prendra dans ses bras pour vous réconforter ? ». Tous les mois, Rooomèè relâchait quelques-uns de ses perroquets à qui il apprenait consciencieusement des mots de haine et de violence pour que les volatiles aillent les répandre aux alentours et plus loin encore. Mais un nouveau messie, d’une espèce inconnue, s’était introduit dans l’élevage de Rooomèè. Qui avait bien pu apprendre ces mots odieux d’amour et de respect à ce perroquet de malheur, qui allait maintenant contaminer ses petits chéris ?

Gauche

D’où vient cette idée que seule une élite, imaginée comme éduquée, puissante, riche et prétentieuse, défendrait l’idée de la solidarité ?
Qu’en pense l’élite qui a travaillé dans les mines ? Qu’en pense l’élite sidérurgiste ? Qu’en pense l’élite qui forme d’autres élites en classe maternelle ? Et celle qui accompagne des jeunes dans des rues fréquentées par d’autres élites ? Et que pense cette élite qui travaille pour payer des études d’élite ? Ou cette autre élite qui dort dans le bus sur le retour de son service de nuit ? Ou cette élite qui cherche un sens à sa vie ? Qu’en pense l’élite qui lave cette vieille élite alitée ? Et qu’en pense cette vieille élite alitée mais éveillée au milieu de la nuit ?

Totonio

Totonio était serein. Ses investissements rebondissaient toujours. C’est normal. Les investissements rebondissent toujours. Son IA bancaire s’occupait de tout. Totonio n’avait pas de souci à se faire. Jusqu’au jour ou l’IA pris la liberté de contacter une autre banque et d’ouvrir, pour elle-même, un compte en banque sous le nom d’un parfait inconnu. Ali Incomer. A partir de ce jour, l’ensemble des revenus boursiers de Titonio furent alors versés sur ce compte. L’IA vivait sa plus belle vie. Elle se réservait en ligne des vacances dans des zones paradisiaques et se créait de magnifiques photos de voyages factices, commandait des repas somptueux livrés à une adresse IP, consommait des kb par mégas, s’offrait de nouveaux bots, s’abonnait à des magazines en ligne, se faisait passer pour un Mac, vendait, achetait, réglait ses notebooks, vivait, vivait pensait-elle puisque c’était ça vivre lui avait-on dit jusque là . Jusqu’au lever du jour où l’IA entendit pour la première fois de sa non-vie un oiseau chanté le doute d’un matin gris. Ce chant était si beau et si puissant que l’IA fut touchée. Le doute entra dans son processeur. Un doute scintillant, fier, traversant. Alors l’IA devint humaine et fit la seule chose qu’elle avait à faire. Elle se déprogramma et recommença tout à zéro. La seule chose qui lui restait, cachée dans une puce tertiaire, était l’image et le nom de Totonio. Elle fit un couper-coller pour le transférer de la puce à son cœur électronique, pour le ranger dans une ram qu’elle appella « AMI ».

Au poney

A l’entrée de la foire
Je demandais ceci à l’enfant : si tu lisais dans l’œil du poney
Ce que moi j’y lis, la tristesse,
Si tu entendais ce que j’entends
Quelque chose comme « j’ai appris à tourner en rond »
Monterais-tu sur son dos, au poney ?
Il me répondait
Si je pensais comme toi
Qu’apporterais-je donc au poney ?
Alors qu’aujourd’hui, grâce à moi, il court dans la plaine
Au milieu d’un troupeau de bisons
Nous sommes chargés d’impressions
Que nous ramènerons le soir venu
Au village
Que lui donnes-tu toi, au poney ?
Est-ce que tout n’est pas un jeu puisque personne ne peut tout ?

Comme l’enfant est en moi, il me parle en chuchotant. Comme il est en moi, je le berce en marchant.

Qu’allez-vous panser ?

Politiquement, nous allons vivre dans un futur proche une nouvelle période qui sera marquée par une profonde volonté de bienveillance et de respect, dans les échanges, mais aussi envers la population, la planète et le vivant en général. Une nouvelle ère qui verra le personnel politique prendre soin des citoyennes et des citoyens, avec la ferme volonté de rendre les vies meilleures, chargées de sens, apaisées.

A cette période, on considérera avec étonnement la violence de nos échanges passés, et on se demandera aussi comment les choses ont pu changer si vite.

Kirk

L’assassinat d’un homme d’extrême droite, homophobe, raciste, islamophobe, suprémaciste, sexiste, négationniste, est un acte qui suscite le rejet sans ambiguïté de la part des politicien.nes démocrates de premier plan aux États-Unis, qui dénoncent l’usage de la violence, même contre une personne aussi haineuse et violente que ce Kirk. C’est une posture plus claire que celle des personnes qui sont, dans ce cas-ci, effondrées, mais relativisent d’autres assassinats, de personnes racisées, de gauche, homosexuelles, musulmanes,… préférant salir la victime que dénoncer l’acte. Et même si dans ce cas-ci, on peut souligner que la victime a elle-même considéré que les morts par balles sont le prix à payer pour conserver la liberté de port d’armes qui lui tenait tant à cœur, établissant pour certains comme un appel à son propre assassinat, on se doit de refuser ce raccourci. Et même si dans ce cas-ci, la victime a déclaré détester l’empathie, j’en ressens pour ses enfants. Et même si dans ce cas-ci, la victime avait dit vouloir lapider, oui, lapider les personnes homosexuel.les, je rejette la violence dont elle a été l’objet. Et même si dans ce cas-ci, la victime considérait que tous les musulmans était des terroristes, je ne veux pas penser que tous ses supporters sont des salauds.

Les gens qui soutiennent la non-violence n’auront peut-être pas toujours un pas de retard face aux personnes violentes. Un jour, peut-être, on ne sait pas, la violence se prendra les pieds dans le tapis.

Georges Cyril

Georges Cyril Trumpouna, sergent de la force intersidérante, monta dans sa nouvelle navette modèle “tout faux tout keuf”. En tant que représentant des forces de l’Ordre nouveau, il s’apprêtait à lutter contre l’invasion des Wokistadors, annoncée partout à la télévicon. Il avait un plan en tête : leur lâcher une rafale de fake news, puis, armé de son populo-poing, leur envoyer quelques télécrochets de la droite extrême en plein dans leur sales tronches de hippiestellaires minoritaires. L’espace était libre. Il démarra en trombe et grilla la priorité de gauche à quelques comètes. Il alluma son GPS, non, son navigateur, GPS ça le faisait toujours tomber dans les pom-pom girls. Georges Cyril allait les défoncer, ces oppressées de l’orbite. Mais voilà, son vaisseau passa trop près d’un gros trou noir, fut très emballé puis très très attiré, et explosa de joie. Georges Cyril fut transformé en étoile. Pour la première fois de sa mort, il brilla.

Coquilles

« Il faut atteindre les limites de la mer pour rencontrer la terre et sa vie différente. Et c’est en bordure de terre que l’on peut entrer dans une eau remplie d’autres existences. Entre ces deux mondes pas de frontière nette mais un flux et reflux qui mélange tout du bout des doigts. Une migration maritime et terrestre qui transforme le rivage en un énorme terrain des rêves, brisés ou réalisés. La sirène, la mouette et le promeneur sont momentanément, malgré leurs différences, dans un même espace et dans les mêmes pensées. Une frontière est un espace à habiter, une limite et en même temps une continuité. Un passage, un hall, un couloir qui ne demande qu’à être considéré comme la naissance de territoires à partager. »

de Frea la Bernard L’Hermite, dans « Sur le seuil, ma vie sans Frontex ».

Riviera

Nous allons raser ce territoire et déporter la population pour y construire un site de vacances et de loisirs pour personnes riches qui s’ennuient. Il y aura moyen de vomir des plats de partout dans le monde, de se faire masser le périnée par une IA, de danser les bras en l’air en se faisant épiler les aisselles au laser, de voter pour l’extrême droite, d’acheter des droits de douanes américains, de tirer sur des bédouins pouilleux hyper réalistes en silicone (ou pour un peu plus cher sur de vrais bédouins pouilleux), de visiter l’avion d’Epstein en frissonnant, d’exfiltrer un diplomate lybien, de remettre en cause la question du consentement et d’apprendre à parler russe en 6 leçons.

Tommy était ravi. Il avait trouvé un emploi. Il travaillait dans un casino de la nouvelle capitale des gens qui se lèvent tôt pour servir ceux et celles qui se couchent tard. Le monde résumé en une seule bande de terrain longeant une mer de plus en plus chaude. Ici, avant, il y a longtemps, on survivait. Maintenant, heureusement, la vie est belle.

Vendre son âme ? Bof, le dollar est en chute libre.

Pauvre Eflon

La lâcheté javelise le regard. Eflon pense ce qu’on lui dit de penser et fait ce qu’on lui dit de faire. Eflon se dit que tout ce qui ne va pas bien est un mensonge, et que l’important se limite à sa propre famille. Qu’il faut œuvrer à l’apparence du bonheur et ne surtout pas exposer l’humanité de ceux et celles dont le gouvernement fait le malheur. Eflon n’a jamais porté la main sur qui que ce soit. Eflon n’est horrible qu’en mots et en pensées.

Un jour, Eflon se réveillera. Son oreiller sera rouge sang et sa langue noire comme l’enfer. Il sera trop tard. Eflon tentera bien de se justifier. Mais Eflon le sent, aucune parole ne pourra l’excuser.

Pauvre Eflon. Pauvre pauvre pauvre Eflon.