Petit, tout petit Jojo

C’est un terrible cirque qui permet de masquer la réalité en lançant des débats éloignés du réel. Comme dans un impensable retournement de situation, celles et ceux qui prétendent servir la vérité sont les fossoyeurs et les fossoyeuses de la justice.

L’infamie dégouline de son être. Il a les mains qui colent et les neurones qui suintent. Alors Jojo tente de détourner l’attention. Tout est en mode complotiste. Jojo sait tout (il a choisi ses sources) et ses contradicteurs et contradictrices sont des personnes naïves, idiotes ou démoniaques, voire les 3 à la fois. La technique est rodée. Il faut tout d’abord mettre la source de l’information hors-jeu en la décrédibilisant personnellement et moralement. Ensuite il faut remettre en cause tout ce qui est gênant. Puis soulever d’autres questions que celle qui est discutée. Et enfin, si ça ne suffit pas, il faut se montrer méprisant, offensif, et sur de soi, afin d’intimider l’autre en le rabaissant. Jojo s’entraîne tous les jours à ce petit jeu. C’est devenu une passion. Les sparring partners sont nombreux et réactifs. Jojo a l’âme de plus en plus charbonneuse. Parfois, Jojo voit des traces sombres au fond de la cuvette des WC. C’est son esprit qui s’échappe. L’esprit de Jojo préfère se réfugier dans la tête des rats d’égouts que de rester dans le corps de Jojo. C’est la grande évasion.

Question

Il avait visité les tréfonds de l’univers sans trouver réponse à sa question. Le mystère restait entier. Son fils était beau, et l’indéniable charme de sa mère ne pouvait pas tout expliquer. Il avait mis, lui, son vilain grain de sel dans l’affaire. Plus tard, son propre enfant tenta de l’aider à trouver la solution. Peut-être que tu es beau de l’intérieur, papa ? Mais l’échographie de la rate réalisée quelques jours avant à la demande d’une généraliste ne semblait pas confirmer cette hypothèse. Oui, le mystère de la vie resterait entier, définitivement.

Âme

Aujourd’hui encore, il existe de nombreuses personnes en Republika Mazunka et en Mazunkanie qui nient le génocide de Vreleca. Ces personnes ont été maintenues dans le déni grâce à la propagande d’état qui détournait l’histoire ou répondait à chaque accusation par une autre accusation, et par les mensonges de quelques-uns qui, avant même l’existence des réseaux sociaux, répandaient des contrevérités reprisent en boucle par des groupes de plus en plus larges. Dans l’autre camp aussi, des mensonges couvraient des crimes, mais le déséquilibre était flagrant. Plus tard, les deux camps furent jugés et la vérité fut partiellement rétablie. Un camp, le plus coupable et donc le plus lourdement condamné, criait et crie encore au complot international contre son peuple. Cette posture maintient le dit peuple dans l’ignorance et le refus de la vérité, le figeant dans une époque révolue, un passé insurmontable. Chaque débat concerne un sujet qui lui est propre, mais chaque débat tourne avec les autres débats autour d’un seul et même soleil: la question du début originel du conflit. On cherche à convaincre que son camp n’a fait que répondre à l’agresseur, quitte à passer sous silence les outrances, les discours, les menaces, les provocations, les violences préalables.
Le déni agit comme un trou noir. Il attire, petit à petit, voire insensiblement d’abord, puis de plus en plus violemment, tous les corps qui s’approchent trop de lui. Le déni ne sauve pas de la dure et nécessaire justice. Il sauve de la honte. Mais il empêche aussi la guérison de l’âme. L’âme est une chose qui se partage avec ses enfants, sa famille, ses amis et amies sur les chemins. Certaines et d’autres pensent qu’une vie sans âme ne vaut rien, mais que vaut une vie avec une âme qui ne vaut plus rien ? Une âme qui se vend, se ment, se perd dans l’argument, une âme qui n’est jamais lavée par les larmes de celui où celle qui l’abrite mais toujours baignée par le sang qui coule dans des rêves inhumains et tragiques.

Bill

On aura beau n’en plus pouvoir, ne pas vouloir continuer, rien à faire. On nous lance une baballe et on court derrière. Moi, je suis un cocker chauve sur une plage en novembre. Ma queue bat énergiquement quand ma truffe sent les choses, et ici tout sent, je suis si heureux alors que ce vent est mauvais pour moi. Je n’en sais rien et ne veux rien en savoir. Je suis un Bill et puis quand vient mon Boule, la marée monte à mes yeux. Les voilà humides car la joie m’inonde. Je suis un cocker chauve sur une plage en novembre et rien n’est plus beau qu’une baballe lancée par mon Boule, une baballe qui roule sans fin dans le sable épicé par l’océan plein de vies.

Tempête

Il nous semblait qu’il était devenu impossible d’être comme une plume dans le vent depuis que tout était tourbillon. Il faudrait battre des ailes et voler maintenant. Il faudrait tricher, frapper, sous peine d’être ce que nous sommes, nous, pauvrettes et pauvres petites âmes.
Mais non. Là-bas, sur l’horizon, vient d’apparaître une immense tornade.
Elle est blanche, blanche, blanche de plumes dans le vent.
Ce n’est pas une catastrophe, c’est une grande nouvelle.
C’est une foule de sentiments.
C’est une armée de coeurs.
C’est une chance qui souffle comme un ouragan, un signal qui nous dit que contrairement à ce que nous croyions, l’espoir est là. Peut-être pas pour nous, peut-être pour les autres. Mais il est bien là.

Yuka

Roumi s’est scanné avec Yuka. 3/100. Médiocre. Nous ne l’enterrerons pas trop près du potager qui, par la force des choses, est bio. On n’a pas l’argent pour les engrais. On fait pousser les haricots sur l’arbre dont on ne connaît que le nom, les choux sous les tomates, le maïs au milieu du tout. C’est un désordre absolu mais tout va. Au dehors c’est le temps des méchants et des méchancetés. Ici, c’est différent mais dehors, oui, c’est le temps des méchants et des méchancetés. Le journal publie un article dans lequel est proclamée dans la joie la mort de l’empathie, de la tolérance, de la justice. Nous voudrions aujourd’hui vivre dans un monde égoïste, intolérant, injuste ? Non. Nous voulons être nous-mêmes égoïstes, intolérants et injustes, sans pour autant accepter que les autres le soient à notre égard. Pourtant, on ne peut avoir l’un sans l’autre, car, maintenant. qui va-t-on pouvoir mépriser qui ferait preuve en retour de tolérance ? Qui va-t-on pouvoir dominer qui n’essayera pas de nous dominer ? Sommes-nous si puissants que nous n’avons rien à craindre ? Et pire. Qui va-t-on pouvoir adorer qui nous aimera en retour ? Les puissants dont nous collons les portraits sur nos cœurs nous méprisent. Alors ? Dans ce cas, tout ce qui nous resterait, ce serait l’illusion du bonheur. Au dehors c’est le temps des méchants et des méchancetés. Ici, c’est nous. On a de l’amour qui pousse en serre. On ne le dit pas parce que ça énerve les gens. On garde ça pour nous.

Elle

Au cœur de la tempête, j’aurai trouvé le calme dans tes yeux, le courage dans ton cœur et la force dans ta main dans la mienne.
Reina n’est pas comme les autres. Elle écrit sur des débris, elle écrit des poèmes affamés. Elle écrit sur celles et ceux qu’elles croisent, que l’on croit être des zombies, qui sont un soulèvement. Elle écrit ce que d’autres n’osent même pas penser.

Stella

Stella se demandait si l’inaction était le propre de la politique.
L’inaction écologique.
L’inaction humanitaire.
L’inaction éducative.
L’inaction économique.
L’inaction sociale.
Et si ceux et celles qui tentaient quelque chose seraient rapidement stigmatisé. es. Écarté. es.
Les choses restent en l’état. Les choses restent, en l’état. C’est ce que se disait Stella.
Peut-être même est-ce la raison pour laquelle la régression semble au monde politique être un travail à part entière, pensa-t-elle.

Imaginons Sisyphe considérant que sa punition n’est pas de pousser la pierre au sommet de la montagne mais au contraire de lui faire dévaler la pente.

Tintum

Tintum collectionnait les médailles parce qu’il coupait les têtes à tour de bras. Tintum était fier de ses décorations et pour les meurtres, il avait toujours une explication. On ne pouvait pas comprendre, et regardez comme celle-ci brille. Je l’astique à l’alcool pur, et les parents de cet enfant avaient fait, ou peut-être dit, des horreurs. 
Il faudra faire avec ceux et celles qui prennent leurs blessures pour des justifications.

Kyle ne comprend pas

Nesle fait pousser des choses au bord de la route, derrière la maison en carton. C’est gris ou même noir de poussière, mais ça pousse. Elle arrose comme elle peut, en crachant, en pissant, en pleurant parfois. Faut pas pleurer, dit Kyle. Si, dit Nesle. Faut pleurer quand on ose. C’est ça qui fait pousser les choses et les gens.

Ecriture d’une nouvelle…