Il avait ce don. Son regard exprimait une vidance. Ce terme, inventé spécialement pour lui, disait non seulement le vide d’une âme, vide dont ses yeux était le reflet, mais aussi l’effet d’aspiration que son regard avait sur vous quand il se tournait dans votre direction. Vous étiez vous-mêmes délestée de votre substance, non pas comme le fruit dans la centrifugeuse, mais comme la baignoire quand on retire le bouchon. Cette expérience était l’exemple type de ce qui s’appelait un nivellement par le bas. On était entraînée malgré nous dans la vase. Consciente de la médiocrité du lieu, nous n’en cherchions pourtant pas la sortie pour nous en échapper. Nous étions prise d’un état de sidération qui annihilait chez nous toute tentative de fuite ou de rébellion. Nous étions aspirées, c’était bien ça. Impossible d’expliquer cela en termes démontrables. D’ailleurs, il savait que face à un juge, nous n’avions aucune chance. Pourtant, ce jour-là, tout a changé. Grâce à une seule, les mots sont sortis. Grâce à une seule entourée de tant, les mots ont ensuite laissé la place au silence. Mais un silence différent. Un silence qui prenait tout l’espace laissé par sa vidance.
La vidance
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