À la lisière du bois touffu des émotions, l’homme s’était arrêté. Je n’irai pas plus loin il avait dit. Il avait laissé la femme aller, la peur au ventre, à la recherche des petits et des petites. Elle était revenue chargée d’enfants, écorchée et griffée de partout par les ronces et les branches. Regarde-toi il avait dit, tes vêtements sont souillés et tu as de poches sous les yeux. Moi, en t’attendant, mais où donc restais-tu ? j’ai combattu contre d’autres hommes qui voulaient prendre ma place. Ce n’est pas ta place, elle avait répondu. C’est ton absence de place. Mais l’homme n’avait pas compris. Alors, il l’avait giflée. En partant, elle ne s’était pas retournée. Elle avait emprunté un sentier boueux qui partait vers le lointain et avait disparu avec tous les enfants. L’homme avait alors entrepris de construire des fortifications afin d’empêcher qui que ce soit de passer. Comme en trois années, jamais personne ne se présenta, il partit en croisade.
Aujourd’hui on visite les ruines du fort avec des « Oooh » et des « Aaaah » et la madame pipi du site est la femme d’un sarrazin. Le bois a été privatisé. Un loueur de jets privés y passe quelques week-ends de temps en temps. Il voit parfois passer à la limite de son domaine une vieille femme qui marche lentement. Comme il a peur, il ne va pas lui parler. Elle n’a pas peur, elle. Elle est chez elle. Lui pas. Lui n’est qu’un étranger de passage qui repart très souvent en croisade.
